Dans l’ombre d’Alice : Jérôme Eho, l’illustrateur qui murmure aux silences
Il y a des livres qu’on traverse comme un rêve. D’autres qu’on habite. Et puis, plus rares encore, ceux que l’on voit. La Maîtresse des ombres appartient à cette dernière catégorie — un roman où les mots chuchotent ce que la lumière ne dit pas, et où l’image devient mémoire.
Pour accompagner cet univers en clair-obscur, quatre illustrations inédites ont été confiées à Jérôme Eho, illustrateur à la sensibilité affûtée, dont le trait évoque les affiches oubliées d’une gare embrumée vers 1900, les éclats tremblants d’un vitrail ou le frémissement d’un rideau avant la tempête.
Un coup de crayon venu d’un autre temps
Connu pour ses bandes dessinées jeunesse et son travail d’illustrateur tout en finesse, Jérôme Eho a cette rare capacité à suggérer l’étrange sans jamais l’appuyer, à faire vibrer l’atmosphère avec trois lignes et une ombre bien placée.
C’est précisément ce qui a séduit Éric Bony, l’auteur du roman.
« Jérôme a ce coup de crayon très singulier, reconnaissable entre mille. On dirait que ses personnages sont sortis d’un vieux quai de gare embrumé, entre deux trains de 1901. »
L’auteur admirait depuis longtemps ses planches, son goût pour le mystère sobre, le frisson en demi-teinte, l’art d’évoquer sans trop en dire. Leur collaboration fut immédiate, fluide, presque naturelle.
Une création à quatre mains
Jérôme Eho n’a pas seulement lu le manuscrit. Il s’en est imprégné.
Des échanges nombreux avec Éric Bony ont nourri le travail, chapitre après chapitre, scène après scène. Ils ont parlé d’électricité, d’ombres portées, d’objets à moitié oubliés et de silhouettes qui disparaissent dans la brume.
Chaque illustration est le fruit d’un échange entre ce qui s’écrit et ce qui se devine.
Le résultat, ce ne sont pas de simples images du livre, mais plutôt des instants captés en marge, des ambiances suspendues. Pas des reflets fidèles, non. Plutôt des portes entrouvertes.
Des images qui prolongent l’histoire
Les illustrations de Jérôme Eho ne décorent pas. Elles rendent le récit encore plus immersif.
Elles ne cherchent pas à expliquer. Elles écoutent le texte, comme on écoute quelqu’un qu’on aime bien sans toujours tout comprendre. On sent la solitude d’Alice, quelque chose d’un peu suspendu. Il y a aussi ce mélange étrange de savoir et de trouble. Les noirs sont denses, un peu poussiéreux.
Ce n’est pas un style qui cherche l’effet. Il est simple en apparence, mais habité, traversé de part en part. Et surtout, il nous plonge vraiment dans le XXe siècle — on y est, on y croit, on y reste.
Et à travers lui, c’est un pan entier de l’esprit Belle Époque qui surgit — ce moment précis où science et ésotérisme dansaient un même menuet, où les femmes comme Alice prenaient enfin la parole dans les marges.