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Ambrosia de Langford, ou comment survivre à un mariage désastreux sans abîmer son brushing

Ambrosia n’était pas censée faire de vagues. On l’avait élevée pour tout le contraire, à vrai dire. Pour savoir se tenir, pour parler juste ce qu’il faut, sourire poliment, porter les bonnes robes et faire honneur à son nom. On attendait d’elle qu’elle épouse un homme bien placé, un peu plus âgé, bien sûr, mais respectable, et qu’elle tienne son rang sans bruit, comme toutes les autres avant elle.

Et elle l’a fait. Un temps. Elle a joué le jeu. Pas par conviction, mais parce qu’on ne lui avait jamais vraiment laissé penser qu’il y avait une alternative.

Mais ce soir-là, celui de ses noces, tout a basculé. Son mari est mort, brutalement, et même si on a parlé d’accident, même si personne ne l’a accusée ouvertement, il y a eu ce moment étrange, suspendu, où tous les regards ont changé. Une ombre s’est glissée dans la pièce, pas seulement celle de la mort, mais celle du soupçon. Elle l’a senti, immédiatement. Et elle a compris que rester signifiait s’exposer à bien pire que le scandale.

C’est sa tante Pormina qui a vu clair, comme toujours. Qui l’a poussée à partir, pas pour fuir au sens lâche du terme, mais pour se préserver. Pour sauver ce qui restait d’elle. Elle lui a tendu la main, a organisé le départ, discrètement, efficacement. Et Ambrosia, sans poser de questions, a pris le billet. Elle est montée à bord d’un navire, en robe noire, avec une valise presque vide et cette lucidité glacée qu’on ne devrait pas avoir à son âge.

New York ne l’attendait pas, et c’était peut-être ce qu’elle cherchait : un endroit où personne ne saurait, où elle pourrait enfin respirer sans qu’on lui rappelle à chaque instant ce qu’elle aurait dû être. Là-bas, elle n’était plus Lady Langford. Elle n’était plus la veuve trop jeune, trop belle, trop suspecte. Elle était juste elle, une étrangère parmi d’autres, avec une histoire qu’elle gardait pour elle.

Elle aurait pu sombrer dans l’oubli, se faire petite, ne plus exister qu’à moitié. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Ambrosia est de celles qui, même quand tout semble perdu, trouvent encore une manière de s’inventer autrement. Elle n’a pas crié, elle n’a pas cherché la lumière, mais elle a continué, pas à pas, avec cette énergie silencieuse des femmes qu’on a voulu enfermer et qui, au lieu de plier, décident de traverser le mur.

Ce qu’on aime chez elle, ce n’est pas seulement son courage, ni son allure, ni même son esprit — c’est cette façon qu’elle a de rester debout sans jamais se justifier. Elle ne demande rien à personne. Elle n’attend pas qu’on la comprenne. Elle avance, c’est tout.

Et si elle dérange, tant mieux. Ce n’est pas son problème.

Chez Jeanne & Juliette, on ne cherche pas des héroïnes lisses et exemplaires. On cherche celles qui, malgré tout, continuent d’être là.
Ambrosia ne veut pas être parfaite. Elle veut être libre. Et ça, c’est beaucoup plus fort.

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